EXPLICATION D’UN DOCUMENT D’HISTOIRE
La conférence de Bandoeng vue par Raymond
Aron
« On a si souvent écrit,
dans la presse mondiale, que la conférence de Bandoeng est un événement
historique, que l'on hésite à mettre en doute le jugement sur lequel
Soviétiques et Américains semblent
miraculeusement s'accorder.
Je veux bien que
la réunion des ministres venus de tous les Etats d'Asie,
du Proche-Orient et de quelques Etats d'Afrique (Côte de l'Or, Ethiopie,
Soudan, Libéria) prenne la valeur d'un symbole : débarrassés de la tutelle
occidentale, Asiatiques, Arabes, Africains proclament devant le monde leur
solidarité, leurs droits, leurs aspirations. Mais ce symbole était-il
annonciateur d'avenir ou appartenait-il déjà au passé ? Tous les
hommes d'Etat d'Asie
et d'Afrique (d'Amérique
aussi probablement) sont «
hostiles » au colonialisme, au régime français en Afrique du Nord. Pour
le reste, ils sont divisés. [...].
Ils ne savent pas si
l'absorption des Etats baltes par l'Union soviétique ou la soviétisation de
l'Est européen sont un exemple de « colonialisme », ou plutôt les uns,
Philippins, Pakistanais, Ceylanais,
en sont convaincus, les autres,
Chinois, Vietminh y voient probablement
une étape de la libération. Quant à M.
Nehru, qui combat impitoyablement
les communistes indiens, il se refuse à
prendre parti sur le « colonialisme soviétique », question idéologique qu'il
n'y aurait pas intérêt à discuter. Quand il s'agit du colonialisme français ou
britannique il n'hésite pas.[...].
La conférence comprenait
des Etats communistes, des Etats alliés à l'Occident et des Etats neutres.[...]
Les Etats qui participent à l'O.T.A.N. ou au S.E.A.T.O. (1) voulaient justifier
leur prise de position et prononcer contre le communisme des réquisitoires qui
ne fussent pas moins violents que ceux d'autres délégués contre le « colonialisme
». Ils parvinrent à leurs fins mais ils furent gênés par la tactique de Tchou
En-lai (2) et de J. Nehru. Le premier ministre de l'Inde, comme on sait, est
convaincu que les alliances militaires créent un danger pour la paix, du moins
quand elles sont conclues par des Etats non communistes. L'O.T.A.N. est
déplorable, mais M. Nehru ne dit rien des « alliances » militaires entre
l'Union soviétique et les Etats de l'Est européen.»
Source : Raymond Aron, « Bandoeng :
conférence de l'équivoque », Le Figaro,
27 avril1955
(1) SEATO ou OTASE (Organisation du Traité de
l'Asie du Sud-Est) : pacte militaire pro-occidental établi en 1954.
(2) Tchou En-Lai : premier ministre et
ministre des Affaires étrangères de la Chine communiste.
Questions
1. Dans quel contexte internationalse tient la conférence
de Bandoeng ?
2. Quels sont,
selon l'auteur, les facteurs
permettant aux participants de la
conférence de se rapprocher ? Comment les expliquer ?
3. Quels
sont, au contraire,
les éléments de
divergence ? Comment les expliquer ?
4. Au-delà de l'année 1955, quel impact plus durable la
conférence de Bandoeng a-t-elle eu sur le plan international ?